Imaginez des enfants, l’un passant devant un glacier, l’autre devant un étalage de smartphones, et tous deux s’adressant à leurs parents pour avoir le fruit de leurs rêves, sinon de leurs convoitises. Quelle pourrait être l’attitude des parents… ? Grand débat ! Plusieurs solutions dont : répondre tout de suite à la demande, discuter pour entendre le non-dit derrière cette demande et le désir plus authentique et sans doute caché… Proposer une progression pour recevoir le fruit de l’attente dans un temps à venir plus ou moins lointain… Nous connaissons les remarques, reproches ou plaintes, symptômes de frustrations devant toute réponse différée, encore pire en cas de refus. D’autant plus dans un monde d’immédiateté et de « clic » informatique, où la moindre objection au désir est considérée comme une atteinte à la dignité de la personne et un empêchement à son accomplissement.

Or, le Seigneur ne répond pas si souvent à nos demandes, entend-on souvent ! Il est pourtant le seul au monde dont l’amour pour les créatures que nous sommes soit aussi sûr et attesté… Et nous dit le Fils : « tout sarment qui porte du fruit, mon Père le purifie en le taillant pour qu’il en porte davantage »….  Tailler, différer, contrarier-même, voilà bien des épreuves à travers lesquelles va passer le disciple, et dans lesquelles le Père l’engendrera progressivement à la vie selon le Fils. « Dieu flagelle ceux qui s’approchent de Lui »… dit le livre de Job, façon de dire qu’Il éduque. Il ne faut pas seulement « retirer ses sandales » comme Moïse au désert (Exode 3)

Le sportif comme le musicien, l’artiste peintre comme l’éducateur, savent bien qu’un long apprentissage est nécessaire afin d’être libéré de toutes les entraves, l’orgueil comme la paresse n’étant pas les moindres. ET plus le disciple sera élevé dans les œuvres à accomplir, plus il lui faudra s’abaisser devant son Seigneur et peut-être devant les hommes. Le Curé d’Ars ne disait-il pas lui-même qu’on « est ce qu’on est aux yeux de Dieu », « l’humilité est comme une balance : plus on s’abaisse d’un côté, et plus on est élevé de l’autre »… Et l’Archiviste[1] du Sanctuaire sur qui le Curé d’Ars a dû déteindre au fil des lectures et recherches, de commenter : « la mesure dont Dieu se sert, semble être l’humilité : plus une personne est humble, plus il peut la combler de faveurs, sans risque de lui nuire »… Demeurer dans cette attitude de fils envers le Père est directement fondé sur l’attitude du Fils lui-même envers Son Père[2] et auquel Il conduit le disciple. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure… porte beaucoup de fruit, hors de moi vous ne pouvez rien faire »…

A la soif personnelle, le monde répond par l’auto-réalisation… A la moindre perspective de renoncement, il répond par la rébellion sinon par la transgression… Pendant ce temps, le Fils conduit son disciple à marcher, quelques soient l’état du chemin et la météo spirituelle, nourri de sa Parole qui demeure et investi de son Esprit-Saint… Uni au même pied de vigne que ses autres frères-sarments, et confiant dans le Père, tous reçoivent alors la fécondité inattendue allant jusqu’à être reconnue comme « la gloire du Père », réponse que le Fils proclame pour nous aujourd’hui !

Et dans un pays de vignobles comme il en existe à quelque vol d’oiseaux d’Ars, chacun sait qu’à force de porter du fruit, le cep n’est plus discernable du pied avec lequel il fait maintenant corps, et où la même sève demeure…. Quoi de mieux ? « vous porterez beaucoup de fruit »

[1] Bernard PAUBEL, article : « le Curé d’Ars et l’humilité » 2023.

[2] Jn 15, 10 « si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour »